Tertullien est né à Carthage dans l'empire romain et le paganisme vers 160 :
" On ne naît pas chrétien, on le devient. "
REPERES
Saint Irénée est né vers 150 ; Origène vers 185 ; saint Augustin en 354 ; ce n'est qu'en 312 avec l'empereur Constantin que l'empire romain devient chrétien : Tertullien a donc connu les persécutions.

Fils d'un centurion haut gradé, famille noble, tôt orphelin de père.
Avocat, professeur de rhétorique, grand érudit, écrivain latin.

Luxure, volupté : " J'ai vidé jusqu'à la lie la coupe des désirs. "
Puis dégoût, amertume, repentance : " J'étais aveugle sans la lumière de Dieu, n'ayant pour guide que la nature. "

Attiré par le christianisme : par l'objectif des perfections à atteindre et par l'héroïsme des martyrs au cours des persécutions.
Phrase célèbre dans l'Apologétique (défense de la religion chrétienne) : " Le sang des martyrs est semence de chrétiens. "

Achève sa conversion avec Agrippinus, évêque de Carthage, vers 185.
Épouse une chrétienne en 186.
Avocat à Rome puis revient à Carthage en 195.
Il aurait été prêtre vers l'an 200.
Met son talent au service de la foi : très célèbre et influent dans le monde latin.
Estimé de saint Cyprien, Rufin, saint Vincent de Lérins.

Écrit plusieurs traités contre les hérésies qu'il écarte en une formule : " Vous êtes d'hier, vous venez de naître, avant-hier on ne vous connaissait pas. " (Cf. Dt 32, 17.)
 
Mais S. Jérôme dit de lui qu'il est " d'une nature âpre et véhémente ", qu'il aime la polémique. Son rigorisme, son purisme excessif, le sentiment exacerbé d'être dans le vrai, son perfectionnisme mais aussi des jalousies qu'il aurait subi au sein de l'Église, font qu'il trouve les chrétiens tièdes, indulgents, laxistes, charnels. Tombant lui-même dans l'hérésie, il les traite de " psychiques " et les calomnie.
C'est l'hérésiarque Montan, originaire de Phrygie (Asie mineure), qui, vers 203, attira Tertullien par sa morale rigoureuse et son charisme.
Montan, accompagné de deux femmes : Prisca et Maximilla, disait que le Paraclet s'exprimait à travers lui et lui révélait plus de vérités que le Christ n'en n'avait déposées dans les Évangiles. Cet " illuminé " jugeait le prophétisme supérieur à la hiérarchie ecclésiastique. Il attendait la venue du Paraclet et devait plus ou moins se prendre pour lui.
Ce faux prophète (un de ceux qu'annonça Jésus), charismatique incontrôlé, était à la tête d'une secte de " purs ". Il prônait une morale très stricte dans les domaines du mariage (un veuf qui se remariait commettait l'adultère), de l'attitude à avoir dans les persécutions, du pardon des péchés, du baptême… Soulignons que beaucoup de ces problèmes n'avaient pas encore été réglés à l'époque par le magistère de l'Église, et qu'ils étaient l'objet de controverses et de vives passions.
RUPTURE DE TERTULLIEN AVEC L'EGLISE
La rupture de Tertullien avec l'Église fut consommée entre 207 et 213 (toujours selon saint Jérôme).
Dès lors, les écrits de Tertullien sont à consommer avec modération, mais ils recèlent encore de belles inspirations catholiques : Vincent de Lérins estimait que plusieurs de ceux composés dans le schisme pour défendre la vérité étaient catholiques, en accord avec l'Église sur de nombreux points.
D'ailleurs, même si les Pères de l'Église ultérieurs ne parlent plus guère de lui qu'ils considèrent comme un déserteur, Tertullien, pour toute une partie de son œuvre et de sa vie, compte parmi eux : c'est un Père de l'Église.
On peut dire que Tertullien pécha plutôt contre l'unité de l'Église, par sa morale intransigeante et son schisme, que contre la foi. En effet, ses traités théologiques, comme celui qu'il écrivit contre l'hérétique Praxéas, témoignent d'une vision tout à fait catholique et même très en avance sur les formulations de son temps.
FIN DU TERTULLIANISME
Puis, voyant sans doute les limites humaines de Montan, Tertullien crée sa propre secte, encore plus exaltée, appelée tertullianisme et il meurt, hélas ! dans l'hérésie, très âgé, peut-être vers 245.

C'est saint Augustin qui mit fin au tertullianisme environ 150 ans plus tard. La communauté tertullianiste, encore importante à Carthage à cette époque, fit son retour sans trop de difficultés dans l'Église.
SON TRAITE
Dans son traité contre Praxéas, Tertullien compare le Père et le Fils avec le soleil et le rayon de soleil, avant bien d'autres Pères et théologiens qui rendront la métaphore classique [lumière née de la lumière] :
Quoique je ne reconnaisse pas deux soleils, cependant je distinguerai aussi bien le soleil et le rayon, aussi bien deux choses et deux espèces d'une seule et indivisible substance que Dieu et son Verbe, que le Père et le Fils. [§ 13.]

Il annonce en précurseur ce qui sera formulé aux conciles de Nicée (325) : le Père et le Fils sont consubstantiels ; Constantinople (381) : égale divinité des trois personnes de la Trinité ; et Chalcédoine (451) : le Christ a deux natures en une seule personne, unies sans confusion, distinctes sans séparation. Même si certains points sont encore mal définis, c'est lui qui, avec une belle avance sur son temps, emploie pour la première fois le terme technique " persona " :
Le Père et le Fils (…) sont autres en personnes, mais non en substance ; distincts, mais non séparés. [§ 12.] [Cf. Nicée.]
L'union du Père dans le Fils et du Fils dans le Paraclet forme trois personnes indissolubles, produites l'une de l'autre, de manière que trois sont une seule et même chose, mais ne sont pas un seul. [§ 25.] Tous trois ayant une seule et même substance, une seule et même nature, une seule et même puissance. [§ 2.] [Cf. Constantinople.]
Nous voyons une double nature qui, sans se confondre, s'unit dans une seule personne, Dieu et Jésus-Christ fait homme. [§ 27.] [Cf. Chalcédoine.]

Sa démonstration, s'appuyant d'un bout à l'autre sur les Écritures où il trouve tous les arguments nécessaires en nombre impressionnant pour réfuter Praxéas, prouve sa parfaite connaissance de la Bible, fruit d'une intensive lectio divina. Praxéas reconnut son erreur à la lecture de ce traité et il se réconcilia avec l'Église par un acte de rétractation. Avec humilité, Tertullien dit que cette conversion s'accomplit " par celui que Dieu daigna employer à cette œuvre ".